"L'Ogre du Salève" d'Olivia Gerig (CH)
« Dans les abysses de la perversité »
Des disparitions inexpliquées d’adolescentes dans le petit village de Saint-Blaise, le commissaire Rouiller à l’aube de sa retraite, le meurtre d’un éminent professeur d’histoire, résistant de la seconde guerre mondiale, deux hommes emprisonnés, en proie à un esprit malade, et une rivière de sang comme héritage familial. Voilà la recette de fonds mijotée dans le chaudron de l’Ogre du Salève.
Alors que les ingrédients bouillent à petit feu, les arômes de se roman se révèlent à vous, et la noirceur des émanations annonce l’éruption à venir. Remontant alors des abîmes de l’âme humaine, l’abomination jaillit au grand jour, la perversité monstrueuse dont seul l’Homme est capable. Le cannibalisme narcisso-sexuel.
[…] Une lame scintillait dans les flammes du feu de bois que l’ogre venait de préparer. Une lueur folle brillait dans ses yeux. La jeune fille, et en particulier sa chair, lui permettrait de conserver sa jeunesse et son intelligence, comme les autres avant elle. Elle lui permettrait aussi de ne plus être seul, plus jamais. Elle l’habiterait, lui tout entier, et sa jeunesse sauvage aurait le goût doux du printemps. […] - p.36
Voilà un des polars des plus noirs que j’aie lus, le premier sur trois, de l’auteure genevoise Olivia Gerig. Le récit, construit selon plusieurs procédés littéraires, est raconté par un narrateur omniscient mais extérieur à l’histoire, ce qui la rend plus « haletante ». Le lecteur est imprégné des ambiances grâce à l’alternance régulière et juste de la vie des protagonistes. Des digressions parcimonieuses cassent le rythme, de manière positive, pour que la narration colle au plus proche « du mal ».
Généralement peu adepte des récits noirs et machiavéliques, j’ai découvert avec plaisir et pour la première fois la plume d’Olivia Gerig. Le séant scotché face à l’horreur ou l’impatience de voir la justice faire son œuvre, je ne saurais dire lequel des deux a été le plus insoutenable pour moi. Cependant, la balance du bien et du mal en parfait équilibre a su me tenir en haleine jusqu’au dénouement. L’art d’écrire une bonne intrigue n’est pas donné à tout le monde, mais pour le coup, voilà un polar sacrément « bien torché », qui ne vous laissera pas sans réflexion.