"Nage libre" de Olivier CHAPUIS (CH)

16. sept., 2016

Plongé au coeur de la région Lausannoise, le nouveau roman actuel d’Olivier Chapuis séduit par son style clair, original et agrémenté de répliques humoristiques dont lui seul a le secret.

L’histoire se veut inventée de toutes pièces, hormis les lieux. Insolite, elle relate un fragment de vie, le dernier peut-être, d’un jeune homme dont l’état de santé se dégrade curieusement et de façon étrange. Diagnostiqué précurseur ! d’un syndrome de Balthazar - maladie orpheline développant chez le sujet une mutation interne Homme-Animal - ses prodromes vécus jusqu’alors n’étaient qu’un amuse-bouche au plat substantiel qui va arriver. Choqué et bouleversé, il pourrait partir aux quatre coins du monde, vivre de folies jusqu’à la métamorphose complète ! Mais il n'en fera rien et choisira une place de choix, dans un monde où « L’érotisme se déploie. ... où respire l’amour, le sexe, la rencontre d’une nuit ou d’une vie » La piscine publique. 

"Vendredi 1er août

Jour de fête nationale.

Rien à foutre.

Le nationalisme me fait penser au Cénovis, et je n’aime pas.

Neuf heure trente du matin. J’écris avant de me coucher. Dans mon crâne, je ressens comme des coups de couteaux, à intervalles réguliers, ce qui est nouveau. Je crains un changement de mon état, un malaise ou quelque chose d’approchant, alors j’ecris. ....

.... Hier, mardi, je n’ai fait que nager par tranches de deux cents mètres, et reluquer les silhouettes plus ou moins graciles d’un cheptel féminin des plus attrayants. ...

... Alors j’ai placé une ou deux banderilles. Une blonde, une brune, une autre blonde. Quelques phrases banales un zeste de charme et la tourterelle me roucoulerait sur l’épaule. Sauf que mes attaques se sont soldée par un fiasco. J’etais condamné à ramer contre le vent, dans une barque instable, avec l’espoir minime d’atteindre le rivage où m’attendrait le plaisir du sexe. ...."

Laissez-vous entraîner dans cette abracadabrante histoire d'un genre biographique, réplique d’un journal intime, mélangeant récits, proses et réflections. Votre esprit libre et curieux, avide de connaître ce qui s’y cache, aimant tutoyer l’inquisition, en sera rassasié au rythme du battement des pages.

L’auteur

Né au siècle passé, un dimanche de Pâques, Olivier Chapuis triture et malaxe les mots pour en extraire un jus qu’il espère goûteux. Le désir d’écrire, il l’éprouve enfant déjà, lorsqu’il se met à écrire d’absurdes histoires de planètes inconnues peuplées d’êtres hybrides forcément hargneux. Plus tard, il se contente de la terre et de ses habitants, souvent hybrides et parfois hargneux, mais source intarissable d’inspiration.

Bibliographie

Fragments, recueil de nouvelles version papier, Les Éditions de Londres, 2016

Nage Libre, roman, Encre Fraîche, 2016

Le Parc, roman, BSN Press, 2015.

Insoumission, roman numérique, Les Éditions de Londres, 2015.

Fragments, recueil de nouvelles numérique, Les Éditions de Londres, 2013.

Extrait audio sur Youtube « Au Naturel » - de « Fragments » : Vidéothèque

copyright : M.F. Schorro

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"Ce que révèle la nuit" de Sylvie BLONDEL (CH)

8. sept., 2016

"L'art de superposer le réel et la fiction"

Dans son premier roman, Sylvie Blondel nous embarque dans un voyage spatio-temporel où la passion "d'un chasseur de comètes" du XVIIIe siècle, va rencontrer le rêve d'un journaliste contemporain ; celui d'explorer un jour l'Univers.

Pourtant, CCC ans les sépare ! mais un clic suffit à les rapprocher. Alors que le destin de l'un s'est dessiné dans la Voie lactée, l'autre le découvre en surfant sur la toile. Interpellé par la vie singulière qu’a eue cet astronome suisse, le journaliste se prend d'attache pour lui et décide d’en faire le sujet de son roman.

A cela, Sylvie Blondel y ajoute l'intemporel Amour, celui qu'on aime à retrouver. Non comme une romance, mais plus comme une soudure, ralliant à nouveau ces deux hommes, animés d’un commun espoir de revoir un jour, leur Amour disparu.

Gabriel-Marie LEGOUVE, poète français du XVIIIe l’avait bien compris quand il a dit : « Derrière chaque grand homme se cache une femme »...

« … Il ne se passe rien durant l’été, croit-on, pour la simple raison que beaucoup de journalistes sont en vacances. Ceux qui ne sont pas avachis sur une plage restent, comme moi, cloués devant leur ordinateur à l’affût de la moindre information, davantage pour fuir leurs propres pensées que par intérêt professionnel. Il y a pourtant un sujet qui me fait rêver : l’exploration de l’Univers. Pour la première fois, la sonde spatiale Cassini est parvenue à photographier la Terre et Saturne superposés l’un à l’autre. C’est vendredi, un bon jour pour commencer ce roman qui mijote depuis des lustres dans les limbes.»

Dans cette œuvre, les amoureux d'histoire et d'astronomie devraient se complaire et goulûment s’y plonger. D'un langage correct, soit simple, clair et précis, les deux récits sont écrits en alternance. L'auteure, narratrice omnisciente, nous les relate en mélangeant les procédés, "portrait-dialogue", ce qui convient très bien au style.

Malgré tout, ça n'a pas suffi à m'accrocher et regrette de n'avoir pas pu, ou su, rentrer dans cet univers, présumant que mon désintérêt pour l’histoire de l’astronomie soit en partie responsable.

Je remercie cependant l'auteure de m'avoir fait découvrir l'existence de l'astronome suisse Jean-Philippe Loÿs de Cheseaux. Né en 1718 dans le Pays de Vaud et décédé prématurément en 1951, six ans après avoir publié son Traité de la comète, lui conférant une renommée Européenne.

L’auteure

Avant de devenir romancière, Sylvie Blondel, née à Lausanne, a enseigné la littérature française au lycée après quelques années comme journaliste à Radio Suisse Internationale. Elle a réalisé diverses émissions culturelles et, en 1990, un reportage en Argentine sur les descendants d’émigrés valaisans et fribourgeois. Elle a également participé à des pièces de théâtre. Depuis 2013, elle est membre du comité de Tulalu!?, association ayant pour but la promotion de la littérature romande.

En 2010 a paru son premier recueil de nouvelles, Le Fil de soie (Éditions de l’Aire, Vevey), mis en ondes sur la RTS Espace2, dans l’émission Imaginaire.

Plus d'informations via

http://www.babelio.com/livres/Blondel-Ce-Que-Revele-la-Nuit/847952

Un extrait audio sur Youtube, très beau à écouter via Vidéothèque

 

"Lettre d'une inconnue" de Stefan ZWEIG (AT)

30. août, 2016

La nouvelle de S. Zweig pourrait se résumer ainsi...

Un courrier anonyme

Un auteur libre

Un jour unique

et l'inavouable

Mais, il serait bien dommage d'être passé à côté de cela... 

Une fine volupté, une justesse des mots

Un amour innocent, passionné, dévoué autant qu'inavoué,

Rythmé au gré d'une marée rejetant à quai ce qu'elle veut bien abandonner

A celle qui, espérant, criant, hurlant l'agonie du regard,

son amour absolu pour celui en qui, pour qui,

elle désespère de n'être qu'une oubliée.

Un extrait, pour en goûter la saveur 

"...Quand j'ouvrais les yeux dans l'obscurité et que je te sentais à mon côté, je m'étonnais que les étoiles ne fussent pas au-dessus de ma tête, tellement le ciel me semblait proche.

... Je me le rappelle encore, lorsque tu dormais, que j'entendais ta respiration, que je touchais ton corps et que je me sentais si près de toi : dans l'ombre, j'ai pleuré de bonheur."

On peut trouver cette histoire un tantinet mélo-dramatico-romantique, mais j'aime ces écrits où les mots résonnent en vous, tambourinant à la porte de l'être, des émotions jusqu'alors oubliées.

L'auteur

Né à Vienne en 1881, Stefan Zweig a pu étudier en toute liberté l'histoire, les belles-lettres et la philosophie. Grand humaniste, ami de Sigmund Freund, il a exercé son talent dans tous les genres, mais à surtout excellé dans l'art de la nouvelle, l'essai et la biographie. Désespéré par la montée du nazisme, il fuit l'Autriche en 1934, se réfugie en Angleterre puis aux Etats-Unis. En 1942, il se suicide avec sa femme à Petrópolis au Brésil.

"Elle portait un Manteau Rouge" de P. CREVOISIER (CH)

27. août, 2016

 « La violence a plusieurs visages »

Par le biais d’un roman ficelé avec brio, Pierre Crevoisier parle de sujets actuels et bouleversants tel que la violence familiale ou l’amour passionnel destructeur. Au premier plan, il y relate la vie de famille chaotique d’une petite fille battue par son père, dont la mère subissant le même sort depuis tant d’année, n’a plus la capacité de défendre ses rejetons. En alternance, il nous projette dans la vie d’un homme tombé fou amoureux d’un ange qui se veut plus « déchu » qu’« élu », l’entraînant dans une chute dont il ne se relèvera pas.

Mais en arrière-plan, bien plus parlant et percutant à mon sens, il met en lumière les dommages que la violence peut engendrer dans la vie d’autrui. Elle est sournoise, s’installe sans y être invitée, s’immisce, forçant le chemin jusqu’à gangrener l’âme même de celle qui l’a subi. Elle enfante alors une victime, parfois aussi abjecte que son créateur, soufflant autour d’elle un périmètre où la peur tétanise quiconque aurait l’audace de crier « Aux Armes ! »

Je vous ai choisi ci-dessous deux extraits. Ils vous donneront ainsi une idée du contenu. Le style romanesque est fluide, agréable et captivant, ce qui permet une immersion totale et rapide. Néanmoins, la violence telle que décrite dans certain passage ; authentique et parfois crue, pourrait ne pas plaire à tout le monde. Pour ma part, même si ce n’est pas mon répertoire habituel, c’est précisément la mise en évidence qui m’a touchée. Osez les mots pour décrire l’indicible !

Premier coup au cadet...

« La porte s’ouvre avec fracas et, en dépit du soleil, là-bas, de l’autre côté, malgré les fenêtres largement ouvertes sur un été de chaleur pesante, le soir prend des airs de nuit. Son père est entré…

…Quelques secondes s’écoulent avant que son frère débouche de la droite, marionnette vivace dont les ressorts sont encore intacts. Il crie le nom de son père et se précipite vers lui. Micha est le seul être encore épargné de la famille. Cette grâce va s’interrompre…

…Elle (Agatha) voit le pied gauche du paternel former un appui, pivoter insensiblement au moment où le droit se soulève de terre, imprime un léger recul, comme une arme chargée, balaie l’air en arc de cercle pour heurter l’enfant à la hauteur de la hanche, le projetant brusquement contre le meuble du vestibule tel un clown désarticulé.

…Aussi loin qu’elle s’en souviendra plus tard, son petit frère s’est éteint ce jour-là … »

Cet extrait m'a frappée de plein fouet ! Quand la gratuité d'un geste engendre le basculement d'une vie.

Jacques raconte dans son journal...

« Samedi 1er août

Je suis fasciné par sa manière de souffler le chaud et le froid sur nos vies. Je recherche le moment et la raison de la bascule, l’instant où nous avons touché l’iceberg qui nous déchire le flanc, la rencontre du malheur par inadvertance. Je ne trouve pas. L’épisode des bijoux me hante encore. J’ai plusieurs fois tenté d’y revenir pour y déceler l’incohérence. Anna a refusé tout dialogue à ce sujet, sauf à m’entendre enfin avouer un délit que je n’ai pourtant pas commis. Le soupçon du mensonge renforce encore le larcin. Je dois être fourbe pour cumuler l’acte et son déni. A moins d’un coup de folie, égaré dans ma vie, ai-je été jusqu’à commettre un acte dont je ne me souviens pas ? J’ai beau être certain, un doute s’est infiltré et lézarde mon assurance. Il suffit qu’elle le croit pour que cela soit. »

La crédulité d'un coeur ensorcelé par la force persuasive d'une manipulation amoureuse. Déconcertant !

L'auteur

Pierre Crevoisier est un auteur suisse, né le 20 février 1960. Son parcours professionnel ne manque pas de piquant et lui a permis d’avoir à son actif de multiples casquettes dont journaliste, marin, enseignant et auteur. Il édite son premier roman en 2013, "Elle portait un manteau rouge" publié chez TARMA et nous offre cette année « Mes trous de mémoire », un recueil de nouvelles que vous trouverez aux éditions SLATKINE.

 

"Mes trous de mémoire" de P. CREVOISIER (CH)

13. août, 2016

Voilà un recueil de nouvelles faites de saveurs singulières, dont on se délectera volontiers au coin du feu, dans ces froides nuits d’hiver où floconne la neige, où l'espace d'un instant vous vous dîtes : « Tiens, et si je me m’offrais un temps hors du temps ».

Douces, mélodieuses, drôles, poétiques, fantastiques, magiques. Une fresque aux multiples facettes couronnée d'un titre judicieusement choisi. Car c’est sans nul doute possible, dans les trous de mémoire d’un écrivain unique en son genre, que des histoires comme celles-ci naquirent.

Je vous invite à les découvrir une à la fois, comme un carré de chocolat qu’on déguste. Les engloutir toutes d’une traite serait dommage, vous passeriez à côté de la saveur véritable de chacune.

Alors laissez-moi vous en donner un avant-goût, une de mes préférées, avec « La tâche bleue ». Elle est comme l'aube d'un nouveau jour et le crépuscule d'un soir. Elle se révèle pas à pas, vous tient en émoi et vous accroche ! Remplissant votre écrin d'une richesse qui n'a pas de prix, vous repartirez le coeur épris. 

L’homme sans nez (Lauréate du prix l’Hebdo/Semaine du goût 2014)

" […] J’ai le sentiment que tous les regards sont rivés sur lui. Je jette un coup d’œil, à gauche et à droite, rapidement pour ne rien manquer, tant j’ai l’impression qu’une vie se joue à cette seconde, mais je suis seul à le voir. Je reviens à lui, à ses yeux fermés, à ce temps suspendu entre le nez et la fleur, au mouvement de la narine aspirant l’air et l’essence mêlés. Ses lèvres bougent maintenant, il parle à la fleur, ouverte, offerte, comme une bouche odorante.

Puis, tout s’arrête. La main lâche la corolle, je le vois au léger apaisement de l’arbuste après la tension, le bras retombé à sa verticale, la tête reprend son angle, à droite, l’œil s’attriste, l’épaule se voute et je vois l’homme reprendre son pas, un pas résigné cette fois. […]

Mon regard quitte l'homme un instant, son dos en courbure, l'affaissement des épaules, je demande :

Pourquoi est-il là ? [...]"

Osant un dernier conseil ; avant de commencer ce recueil, allez à la fin du livre (p. 99). L´auteur vous offre un cadeau qui couvrira d'une douceur mélodieuse chacune de vos lectures.

L'auteur

Pierre Crevoisier est un auteur suisse, né le 20 février 1960. Son parcours professionnel ne manque pas de piquant et lui a permis d’avoir à son actif de multiples casquettes dont journaliste, marin, enseignant et auteur. Il édite son premier roman en 2013, "Elle portait un manteau rouge" publié chez TARMA et nous offre cette année « Mes trous de mémoire », un recueil de nouvelles que vous trouverez aux éditions SLATKINE.